jeudi 18 octobre 2012

Koji Wakamatsu est mort


Koji Wakamatsu, à 70 ans, avait réussi l’exploit de revenir sur le devant de la scène internationale, avec des films aussi ambitieux que United Red Army, Le Soldat dieu et Mishima, le jour où il choisit son destin. Il y a une semaine, il avait reçu le prix du cinéaste asiatique de l’année au festival de Busan où il présentait ses deux derniers films, Petrel Hotel Blue et The Millenium Rapture, contes philosophiques plein de malice. Renversé par un taxi à Shinjuku il y a quelques jours, la mort l’a frappé de façon aussi absurde que les héros de la Nouvelle vague japonaise, ceux des Contes cruels de la jeunesse et de Premier amour version infernale.
Pour moi, Wakamatsu n’avait d’abord été que les images fascinantes et terrifiantes des Anges violés dans Le Cinéma de la transgression d’Amos Vogel. La rencontre se fit véritablement circa 2004 . Le téléchargement connaissait alors une sorte d’âge d’or et e-mule et Bittorent tournaient à plein régime, jour et nuit, pour ramener des films japonais inédits, ces fameux films de la Nouvelle vagues, les productions ATG, souvent sans sous-titres. C’est en « full japanese » que l’on découvrait alors Shojo Gebba Gebba, Sex jack et Shinjuku Mad… on ne comprenait pas les discours politiques et d’autres recherches étaient alors nécessaires pour comprendre ce qui s’était réellement passé dans les années 60 et 70 au Japon et quel fut le destin tragique de L’armée rouge japonaise. Quelques livres, quelques articles nous aidaient mais nous étions alors dans l’archéologie : proche de Wakamatsu, il y avait par exemple un autre cinéaste tout aussi mystérieux, Masao Adachi, acteur et scénariste pour Oshima, qui avait rejoint les terroristes en Palestine pour un long exil. C’était une histoire secrète du cinéma mais aussi de ces années de plomb, en face desquelles on prendra garde de ne pas céder à la tentation romantique. Car il n’y a rien de romantique, de politiquement justifiable ou et d’humainement tenable, à ouvrir le feu dans un aéroport israélien.
Même si on ne comprenait pas la logorrhée marxiste des étudiants des films de Wakamatsu, les images étaient là, révolutionnaires en elles-mêmes, et c’étaient celles que j’avais besoin de voir à cette époque : de la sexualité violente et transgressive, de l’authentique surréalisme, des fantasmes religieux parfois ironiques, souvent d’une pureté bouleversante. Des femmes crucifiées au pied du mont Fuji, des vierges éclatant de rire sous le soleil, des révolutionnaires embrasant Tokyo comme un orgasme, et soudain des jaillissements écarlates ou au contraires de calmes à-plats bleus. C'était comme de retrouver la filmographie, perdue depuis plus de 30 ans, d'un cinéaste aussi génial que Pasolini.
Wakamatsu fut celui qui alluma la mèche. C’est d’abord à travers son cinéma que je découvrais  les chefs-d’œuvre du cinéma japonais des années 60, les films de Susumu Hani, Matsumoto, Terayama, Oshima dont il est souvent question sur ce blog. Wakamatsu, le yakuza révolutionnaire, le chantre de l’insurrection lyrique n’est plus, mais, comme on a coutume de le dire : la lutte continue !

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