mardi 30 octobre 2012

Skyfall : les agents déchus



Ethan Hunt, le jeune concurrent de James Bond, n’est jamais plus efficace que lorsqu’il est désavoué, livré à lui-même avec son équipe dans des sortes de « Mission buissonnières ». Les figures d’autorité renvoyées au néant ou en tout cas très abstraites, il peut alors s’adonner en toute liberté à son goût du jeu, des faux semblants, de la prestidigitation et redevenir ce garnement amateur de mauvaises farces qui fait exploser des hélicoptères avec son chewing-gum. Il faut dire, que dès le premier épisode, Hunt avait réglé son compte à l’œdipe, liquidant la figure paternelle démoniaque (Jim Phelps) et couchant avec sa mère de substitution. Un parcours initiatique le laissant comme un adolescent enfin seul et libre (comme sa lointaine incarnation dans Risky Business), libre de regrouper autour de lui des frères et des sœurs d’adoption, en des vacances enchantées et éternelles. Même sa femme, il faut qu’il la fasse passer pour morte et la ressuscite, pour la transformer en image adorée, romantique mais lointaine.


Bond quant à lui n’avait jamais connu de disgrâce – éternel « loyal sujet de sa majesté ». Sa chute est évidemment beaucoup plus douloureuse que celles, multiples au propre et au figuré, de Hunt qui en est devenu virtuose. Que devient Bond lorsqu’il cesse d’être un agent ? Tout simplement rien, une sorte de cliché un peu gênant d’occidental alcoolique, quelque part sur une plage turque, grecque ou d’Ibiza.  Comme si c’était le dernier décor exotique, mais cette fois Low Cost, de disponible pour l’agent déchu. Ce n’est pas tant l’intériorité qui manque à Bond, qu’une forme de vie privée, de passé qui lui appartienne en propre et non acquis pendant des missions. Tel un ange chutant du ciel, comme ceux de Wenders, Bond doit devenir mortel pour gagner un corps et des émotions humaines. Il n’est pas un adolescent jouisseur comme Ethan Hunt mais une abstraction dont l’ultime mission est de faire l’expérience de l’humanité : d’abord le rejet par M/other, et la tentative de regagner son affection ; la découverte d’un ennemi/frère/double exubérant dont la relation avec M est aussi un œdipe douloureux  ; le retour au vieux manoir familial dévoilant un fond gothique insoupçonné, comme une inversion diamétrale de l’exotisme à l’artificialité assumé de l’épisode chinois. A Silva, le frère maudit, autre « homme qui rit », la ville fantôme, à Bond la maison hantée à la Wilkie Collins. Tous deux avoue leur fraternité spectrale.
Enfin, Bond devient un homme en passant du « permis de tuer » à l’épreuve du deuil.




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