C’est toujours un plaisir de dénicher dans les boutiques d'occasion, pour une poignée de yens, ces fameux «pamphlets», ces livrets que les spectateurs pouvaient acheter à la sortie des salles. Cette année, je trouvais quelques films de Brian De Palma et redécouvrais leur iconographie sous de nouvelles interprétations graphiques. L'adjonction des caractère japonais, suffit à donner une expressivité inédite à ces images. L'affiche de The Fury ne m'a jamais semblée plus belle qu'avec ces caractères rouges et griffés. Quant à Scarlett Johansson dans The Black Dahlia, sa peau blanche et scarifiée évoque un érotisme bien plus asiatique qu’occidental.
Les principales pièces du Mokin Museum proviennent de palanquins funéraires coréens, et étaient censés guider les morts dans l’au-delà.
C’est un peuple étrange qui entoure le défunt. Des diables rouges, des hommes montés sur des tigres et des coqs, des acrobates et des musiciens. La puissance du mort se mesurait au nombre de personnages de bois de son palanquin. Ainsi, celui du Roi Sejong mort en 1450, en comptait 190, soit une cour fantastique entière. Découvrir le Mokin Museum c’est aller à la rencontre de créatures inédites du fantastique asiatique : inquiétantes mais colorées et drolatiques. Les visages dénotent l’humour ravageur du sculpteur, s’exerçant même sur les créatures démoniaques.
Cependant les personnages obéissent aussi à des codes précis. Les sculptures d’enfants sont les témoins de la bonté ou de la méchanceté des hommes. Ce sont eux qui le rapporteront aux juges célestes. Le lotus est le symbole de la pureté. Les lions, les tigres, les phœnix et les tortues relient la terre à l’autre monde et aux éléments.
Ici, comme souvent au Japon, un objet n'est complet que s'il peut se plier et se déplier, comme un origami ou un kimono.
Il y a d'abord le disque et sa pochette
Autour de la pochette : un dépliant avec des photos de la chanteuse.
Il s'agit d'un des plus célèbres morceaux de Hiroko Yakushimaru, tiré du mélodrame policier de Shinichirô Sawai W's Tragedy (1984).
Hiroko Yakushimaru est célèbre pour avoir lancé la mode des action schoolgirls avec le film Sailor Suit and Machine Gun.
Non loin du temple Asakusa, Kappa-Bashi est la rue des instruments de cuisines. Les milliers de lames qui brillent dans les boutiques nous rappellent que nous sommes bien au pays des sabres ; ici on peut acheter les fameuses reproductions en cire d’aliments exposés dans les devantures des restaurants... ces nouilles, soupes, sushis ayant une apparence de fraicheur trompeuse et dont Wenders a montré la fabrication dans Tokyo ga.
Mais Kappa Bashi, comme son nom l’indique est aussi la rue des kappas, le plus célèbre des yokais. A l’origine le kappa était un diablotin amateur de farces de mauvais goût et capable de tuer en arrachant par l’anus les intestins de sa victime. Pourtant, son allure drôlatique, moitié tortue moitié perroquet et la petite cavité remplie d’eau au sommet de son crâne, finirent par le transformer en personnage sympathique et adoré des enfants. Parmi l’immense littérature lui étant consacrée, citons Mon copain le kappa, par le maître des yokais, Shigeru Mizuki ; L'eau céleste de Kazuichi Hanawa ou il aide une petite fille a aller retrouver sa mère aux enfers ; citons aussi le bel animé Un été avec Coo de Keiichi Hara où il devient une fois de plus l’ami d’un enfant.
C’est le versant aimable du kappa que l’on retrouve à Kappa Bashi avec ces statues, certaines très originales, de kappas veillant sur les distributeurs de boissons et les «smoking zones». Il y a aussi un petit temple dédié au yokai, où l’on peut admirer une «vraie» patte de kappa sectionnée. Nous ne mettrons pas en doute la véracité de cette pièce : si les Japonais croient au fantômes beaucoup croient également aux kappas et sont persuadés d’en avoir vu réellement. Gardant l’entrée de ce petit musée, un couple de kappas en pierre, très curieusement sexués. Le mâle a un pénis de bonne taille, tandis que sa compagne possède une apétissante poitrine. Le kappa aurait-il des pouvoir fertilisateurs ?
Le 16 juin, j'avais rendez-vous à Shibuya avec Olivier Malosse, l'étrange garçon qui tient le blog Bakeneko (http://kaidankamera.blogspot.com/) et photographie les love hotels hantés.
A la sortie de la gare, un étrange salaryman effectuait une sorte de danse minimaliste. Je n'ai pas encore compris s'il s'agissait d'un comique amateur, d'un nouveau type de butô ou tout simplement des effets secondaires d'un apéritif trop arrosé.
A Tokyo ou Séoul, dans les temples de la culture de masse que sont les magasins de disques Tsutaya ou Tower Records (Tokyo), Kyobo (Séoul), on ne s'aperçoit pas immédiatement de leur absence, comme si on avait laissé l'occident et ses idoles derrière soi. On finit malgré tout par s'en rendre compte : où sont passés Lady Gaga, Justin Bieber ou Britney Spears ? Ils ne sont bien sûr pas complètement occultés mais sagement rangés à l'étage "musique américaine", entre Scorpion et Eric Clapton. Dans des villes où tronent les écrans vidéos géants, ils ne font pas partie de l'espace visuel et sonore des Japonais et Coréens. Comme un reste d'isolationnisme, les pays asiatiques possèdent une culture locale vivace qui semble se suffire à elle-même.
Bien sûr, le concert d'une star américaine au Dôme de Tokyo afficherait complet et provoquerait sans doute une "mania" passagère. L'an dernier, la venue de Bon Jovi, tout de même l'un des parangons de la ringardise internationale, avait fait souffler un vent de folie chez les divas de karaoke qui n'en finissaient plus de hurler "Bad Medicine".
Ici reignent sans partage les Girl's Band, égéries futuristes qui n'ont pas grand chose en commun avec les Spice Girls ou les All Saints des années 90. Depuis 5 ou 6 ans, Tokyo est ainsi dominé par le phénomène AKB48.
AKB pour Akiba, diminutif d'Akihabara ou "eletric town", fief des otakus amateurs d'informatiques et de lolitas, et 48 pour le nombre (approximatif) des chanteuses-danseuses. Les 48 nymphettes, si j'ai bien compris, se partagent en 2 groupes : le Blue Team - qui s'ébat en bikini sur les plages - et le Red Team - plus sulfureux et amateur de lingerie. Dernièrement Aimi Eguchi, leur dernière recrue, a révélé qu'elle était un personnage virtuel, une sorte de poupée-Frankenstein composée des morceaux de 7 membres du groupes.
Aimi Eguchi
On aurait été moins étonné d'apprendre que l'intégralité de l'équipe était composé de filles virtuelles, tant leurs déclinaisons en calendriers, livres, revues, porte-clés, et artefact divers semble infinie. Dans les librairies, les recueils de photographie des AKB48 voisinnent avec les livres érotiques d'idoles un peu plus dévêtues, aveux de l'usage qu'en font les otakus. Sur les affiches et pochettes des AKB48, la multiplicité des visages entre candeur et séduction, la couleur rose dominante, sont les mêmes que sur les devantures des clubs à hôtesses de Kabukicho le quartier des plaisirs de Shinjuku. A Tokyo, il y a d'imperceptibles glissements entre les genres et on peut très bien entrer dans un bazar, passer de shampoings et cosmétiques, de poupées en panoplies de cosplay, et se retrouver au milieu d'un sex-shop, au milieu des "oeufs" masturbatoires et des vibreurs roses bonbons.
Cet été, comme l'été dernier, les AKB48 étaient partout, sur tous les écrans. Ceux, géants, de Studio Alta de Shinjuku ou du croisement de Shibuya, et les bornes (en fait des sortes de petits autels dédiés à ces déesses électriques) de Tower Records et Tsutaya. Impossible d'y échapper (et pourquoi y échapper ?). Toutes à leur fièvre consumériste et écervelée, les AKB48, dont la promo à plein régime doit consommer l'équivalent d'une centrale nucléaire, nous font douter qu'une catastrophe ait eu lieu au Japon il y a quelques mois.
Alors que les idolu japonaises n'en finissent pas de réinventer la lolita, leur équivalent coréen, joue sur une sexualité agressive. Les groupes se nomment Girls Generation ou Wonder Girls. Au menu : mini jupes moulantes, shorts microscopiques, talons aiguilles, bracelets et boucles d'oreilles miroitants... et des chorégraphies tellement suggestives que certains téléspectateurs bien pensants finirent par s'en émouvoir. On ne s'étonnera pas qu'au pays du matin calme on accorde peu de crédit à Lady Gaga, qui n'offre qu'un ersatz, finalement assez terne, des shows baroques des stars Lee Jung-hyun et Boa et des chorégraphies survoltées des Girl's Bands.
Les chanteuses, hyper sexuées et agressives ont un curieux répondant inversé les kot minam ou "garçons fleurs", issus de la pop ou des dramas (feuilletons). Très populaires depuis 2 ou 3 ans, ces éphèbes diaphanes n'assument aucune sexualité ni virilité. Si les Girl's Band s'affichent en tribus de prédatrices, leur équivalent masculin évoque plutôt une fraternité à l'homosexualité sous-jacente. Les kot minam sont en cela proche des héros des mangas homosexuels pour filles ou yaoi et on ne s'étonne pas que les japonaises d'Otome Road (le Akiba pour fille d'Ikebukuro) en raffolent.
Cette année les kot minam, et en particulier l'acteur Jan Keun-suk, assurent la promotion de la chaîne Nature Republic, spécialisée dans les cosmétiques "naturels". Paradoxalement, ces figures absolument synthétiques deviennent les hérauts d'un mode de vie naturel.
On peut bien sûr ironiser sur leurs physiques mièvres, leurs sourires mielleux et leurs yeux de biches. L'ambigüité des garçons fleurs est pourtant singulière dans un pays où dominent des modèles masculins forgés par la virilité et l'hétérosexualité.