mardi 5 mai 2009

Koji Wakamatsu : ciné-tracts 2



Sex Jack (Seizoku,1970)


Seizoku
envoyé par sadakobanana2


La jeunesse assassinée, jonche les rues de Tokyo dans Shinjuku mad (1970)


lundi 4 mai 2009

Koji Wakamatsu : ciné-tracts 1

Pour saluer la sortie imminente de United army de Koji Wakamatsu. 
L'histoire du Japon racontée par un cinéaste "pink" ou lorsque Koji Wakamatsu mettait en ouverture de ses pinku eiga les actualités de la gauche révolutionnaire. Dans la géniale première partie documentaire de URA, Wakamatsu ne fait rien d'autre.
Le générique de Running in Madness, Dying in Love (Kyôsô jôshi-kô,1969), avec Ken Yoshizawa (Octobre dans L'extase des anges)
Et sa reprise dans 100 Years of Torture: The History (Gômon hyakunen-shi, 1975)
sadakobanana2


dimanche 3 mai 2009

Silêncio de FJ Ossang




Entretien avec FJ Ossang

Primitive Kino !



Retrouver la puissance brute du son avec le punk et la musique industrielle, la force visionnaire du mot à travers Burroughs, l’énergie primitive de l’image en revenant au cinéma muet. Chaque film propulse le cinéaste et ses spectateurs vers des terres inexplorées : le Paris « feuilladien » où s’affrontent les sociétés secrètes de L’Affaire des divisions Morituri ; la terre volcanique du Trésor des îles chiennes, ultime refuge de Nosferat le roi des rats ; l’Amérique du Sud de Docteur Chance, repère d’aventuriers et de trafiquants. Ballade portugaise muette et en noir et blanc, portée par la musique hantée de Throbbing Gristle. Silêncio est un concentré absolu du cinéma d’Ossang : un « Land Movie » qui commence dans le « calme nucléaire absolu » d’un champ de mégalithe, traverse les forêts de Murnau, pour atteindre de grandes métropoles d’aciers. La nature n’est jamais morte, elle bruisse, scintille, palpite ; seul le cinéma muet nous permet d’entendre les herbes se coucher en un cri. Ossang irradie ses images, éprouve leurs limites en d’aveuglantes surexpositions. Car le film est aussi un poème dédié à deux astres, le soleil et la femme, et il se brûle à vouloir les regarder en face.

Découvrir un nouveau film d’Ossang est une belle surprise.
Silêncio est un film très libre, tourné l’été dernier, sans aide. Au départ, il s’agissait d’une commande du Festival Temps d’Images, faisant collaborer un cinéaste et quelqu’un des arts de la scène. On m’a proposé de filmer en vidéo mais ça ne m’intéressait pas. Je me suis donc embarqué pour le Portugal avec Elvire, un opérateur, une caméra 16 mm et 7 boîtes de pellicule noir et blanc. Comme le sujet du film était le silence, j’ai tourné un « silent movie », avec des intertitres et une bande son.





Pourquoi le Portugal ?
J’étais au Portugal en 86-90, du côté d’Alentijo, et il y avait des lieux que je n’avais pas filmés. Silêncio est une sorte de documentaire affectif. Nous l’avons tourné en une semaine, dans des conditions de lumière limite. On se levait à 4h du matin pour saisir le point du jour.

Finalement le film est allé plus loin que sa commande.
Le film était produit par ma propre société Oss/100 films et par Chaya films. C’était au départ une entreprise irrégulière, et pas du tout un film subventionné. Mais comme il a plu à France 2, ça m’a permis de le gonfler en 35 mm. Tout relève du miracle puisque ça s’est également très bien passé avec Throbbing Gristle pour la musique.





Comment est venue l’idée de la musique
J’avais été invité par Nicole Brenez et la Cinémathèque française pour des séances consacrées au « Cinéma des poètes ». Il y avait essentiellement des rockers, Lydia Lunch, Richard Hell et Tav Falco. Ensuite Lydia et moi étions conviés au Nouveau Casino pour faire une espèce de mix. À l’ouverture de la session, elle a commencé par Convincing People de Throbbing Gristle en version live. Moi qui revenais de Buenos Aires, complètement « jetlagé », je me prends dans la gueule la musique… extraordinaire ! Au moment du montage, ça m’est revenue comme une mémoire fantôme, une greffe. Une fois que j’ai regardé les images avec la musique, je ne pouvais plus revenir en arrière ; c’était comme si elle avait été écrite pour le film. Avec Throbbing Gristle et Genesis P. Orridge, nous sommes de toute façon des conspirateurs burroughsiens. C’est le pouvoir des sociétés secrètes !





C’est un film complètement à contre-courant des images dominantes.
On a tourné avec de la 65 ASA, sans éclairage additionnel, avec juste le soleil, le vent et la nature. Je voulais retourner au primitif, à la simplicité, à l’essence : pas de dialogue, pas de numérique, pas de virtualité. La question était de savoir où était le réel. La caméra elle-même était bricolée : on avait des objectifs récupérés sur une caméra 35, adaptée à une vieille Aaton 16, première génération, de 1972. Faire un film avec rien, comme un opérateur Lumière, m’a redonné une force extraordinaire.

Les paysages eux-mêmes ont cette force archaïque.
Il y a le champ d’éoliennes dans ce qui est un peu le Cap Canaveral portugais ou bien le champ de mégalithes qui est le plus grand de la péninsule ibérique. Le film commence par les mégalithes et fini avec le grand pont en fer et les éoliennes. Entre les deux, il y a quelques éléments du temps humain et le passage de la féminité dans ce monde de brutes : Elvire ! Tout le montage s’est fait de cette manière avec l’idée du trajet d’est en ouest, de la protection à l’ouverture.





Quel sera le sujet de votre prochain long métrage, La Succession Starkhov ?
Le vrai sujet du film sera le réel qui se dérobe. Ce sera un voyage au pays des morts, un rêve éveillé avec un arrière-plan de haute conspiration. Rien bien sûr ne se passera comme on s’y attendait, la mort se faisant toujours reconnaître par surprise ! Normalement, le film devrait être tourné entre l’Auvergne et l’Amérique du Sud.

Comment allez-vous raccorder ces deux pays ?
J’ai un rapport organique, tellurique, aux formes élémentaires. Lorsqu’on est dans une équivalence d’altitude, les paysages commencent à se raccorder. En Amérique du sud, on trouve des endroits qui ressemblent à l’arrière-pays niçois. Comme c’est un continent d’amplitude large, on peut traverser 1 000 km de pampa, 300 km de montagne.

Silêncio est donc le coup d’envoi des nouveaux films d’Ossang ?
Silêncio, que j’ai tourné comme mes premiers films, est comme une nouvelle naissance. Je suis sorti des temps difficiles qui ont suivi Docteur Chance. De plus, comme c’est un film que beaucoup de gens aiment, il agit de façon très positive pour mon long métrage. J’avais besoin de revenir à une forme de « primitive kino » pour redémarrer.

Propos recueillis par Stéphane du Mesnildot
Paru dans le Quotidien du festival de Clermont-Ferrand
31 janvier 2007

Image : Damien Rossier

vendredi 1 mai 2009

Jezebel de William Wyler

Rouge sorcière
L’Insoumise (Jezebel, 1938) fut d'abord conçu pour bénéficier de l'engouement autour d'Autant en emporte vent dont la production captivait l'Amérique. Ce mélodrame sudiste, prenant pour cadre la Nouvelle Orléans du siècle dernier et comme héroïne une jeune bourgeoise effrontée et égoïste, sortit un an avant son rival et Bette Davis, à qui le rôle de Scarlett avait échappé, remporta un Oscar. Si Autant en emporte le vent représente un manifeste de la puissance du Technicolor, la couleur n'est pas absente du noir et blanc de L'Insoumise. Deux fois nommée, son caractère est profondément morbide. Elle s'immisce dans les surfaces noires de l'image puis dans les blanches, pour provoquer la décomposition d'un monde.
D'abord, il y a la robe rouge que Julie (Bette Davis) porte par défi au bal Olympia. À cette occasion, les jeunes filles à marier de la Nouvelle Orléans ont coutume de revêtir de somptueuses robes virginales. Traitée en paria, Julie est victime de la couleur qu'elle ose arborer : elle voudrait fuir mais Preston (Henry Fonda), son fiancé, l'entraîne dans la danse. Au fur et à mesure qu'ils valsent, les danseurs qu'ils frôlent se retirent de la piste. Le rouge apparaît comme la couleur classique de la pulsion (1) qui entraîne Julie telle la danseuse des Chaussons rouges d'Andersen et Michael Powell. Ici, c'est encore Scarlett, le fantôme écarlate, qui mène la danse et tourmente le film de Wyler. Fonda, cavalier spectral au visage de marbre, fait tournoyer Bette Davis dans la couleur, l'imprègne de rouge au plus profond.



Affiché par jeu, le rouge fait éclater sa puissance, lance un sortilège à la jeune fille. Julie devient, au cours de la valse, ce que la couleur symbolise : une fille perdue, une sorcière, une réprouvée. Tous voient jaillir le sang qui achève sa virginité. La mise en scène d'une couleur au sein d'un film en noir et blanc permet à Wyler de représenter, plus encore que l'invisible, l'irregardable : la couleur est l'intrus que Julie a introduit dans le bal. Le rouge, en apparaissant noir, transforme la robe en une vénéneuse tenue de deuil. Poussée à son extrême, la couleur du désir devient funèbre, annonce la ruine du Sud glorieux. Brian De Palma fera accomplir au noir et blanc le chemin inverse en dévoilant des rouges sanglants sous le noir du Scarface de Hawks.
Après que le rouge ait contaminé le noir, une autre couleur, le jaune, s'infiltre dans le blanc, accomplissant le même travail destructeur. La couleur épouse le mouvement fatal de l'épidémie de Fièvre Jaune. La position dramatique de la maladie dans L’Insoumise correspond à l'incendie d'Atlanta dans Autant en emporte le vent. La propagation de ce jaune symbolique est signifiée par les mots Yellow Jack s'inscrivant sur des images de la ville livrée au chaos.
Le jaune occupe la place du rouge embrasé, allant jusqu'au monochrome, servant de toile de fond à la fuite de Scarlett. Dans un salon, autrefois le fief des jeunes bourgeois mais désormais une ruine où se désagrège le tissu social, Preston sent les prémices du mal. Il s'écroule et ses anciens amis s'écartent en un seul mouvement. Dans cette rime de la scène du bal, ce n'est plus le rouge de la robe qui éloigne les danseurs mais le jaune de la fièvre qui crée le vide autour de Preston. Le caractère quasi-hypnotique du noir et blanc incitant à recréer les couleurs fait surgir le jaune sur le visage de Fonda à la place de la blancheur de la peau.
Ce qu'est devenu Fonda à ce moment là est bien Yellow Jack, le Jaune personnifié. Preston, comme il s'était fait l'émissaire du Rouge, porte le masque de la Mort Jaune (2). Dans l'Insoumise, Henry Fonda, de façon sublime, joue l'évanouissement (sa voix est rarement plus qu'un murmure), annulant sans cesse sa présence pour exprimer les pouvoirs de couleurs fantastiques.



A nouveau, Preston devient la couleur qui entraîne Julie vers l'exclusion. Mais cette fois, l'exil est assumé lorsqu'elle abandonne sa famille et son rang pour le suivre au Lazaret, la léproserie où sont parquées les victimes de la fièvre. «Je veux redevenir pure» déclare Julie pour expliquer sa décision. Peut-être veut-elle se laver des couleurs qui l'ont traversée et retourner à ce blanc qu'elle rejetait au début du film.
Mais le noir et blanc peut aussi valoir pour lui-même et éteindre les couleurs que nous imaginions sous ses contrastes. Dans La Ronde de l'aube (The Tarnished Angels, 1957), Sirk, pour recréer l'aveuglement chromatique, fait surgir la chimère du noir et blanc au cœur du carnaval. Au point culminant d'un baiser passionné entre Rock Hudson et Dorothy Malone, la porte de leur chambre d'hôtel s'ouvre et un crâne ricanant apparaît. Le masque, déjà en noir et blanc dans l'excès bariolé du carnaval, marque l'annulation des couleurs. Privé de ses couleurs, le cinéma de Sirk retourne à ses racines expressionnistes et représente la Mort des carnavals de l'Allemagne gothique. La Mort filtre en noir et blanc le monde de ces anges déchus de la guerre.
Dans l'Insoumise, la couleur était déplacée dans le champ de l'image mentale, semblable aux taches de sang fantomatiques apparaissant sur les mains de Lady Macbeth. Alors que L’Insoumise était peut-être le dernier monde où s'exprimait la magie du noir et blanc à faire naître les couleurs, la Ronde de l'aube anticipe le deuil du mélodrame au cœur de son overdose flamboyante (3). Le noir et blanc de La Ronde de l'aube est comme la cendre des couleurs défuntes. Le noir et blanc étend sur toutes choses le Nevermore, la couleur de l'échec et des regrets, comme si nous pouvions voir les fantômes des souvenirs d'enfance chuchoter au bord du lac d'Écrit sur du vent.

Stéphane du Mesnildot


Virus de la fièvre jaune (fausses couleurs), Institut pasteur.

1 Le rouge est ici la couleur des prostituées, les « Filles de la rue de Chartres »
2 La référence à Poe est explicitée par le retranchement des riches dans les anciennes demeures alors que le territoire de la Fièvre Jaune s'étend.
3 la Ronde de l'aube «'inscrit entre ces deux chef-d'oeuvres du mélodrame en couleur que sont Écrits sur du vent. (1956), dont il reprend le trio Robert Stack/Rock Hudson/Dorothy Malone et Le Temps d’aimer et le temps de mourir (1958).


Publié dans Exploding n°3, juillet 1999


Samouraï Apollinaire

Soleil

Cou

Coupé


Tuer ! (Kiru), Kenji Misumi, 1962