vendredi 23 septembre 2011

AKA ANA. Un film de Antoine d’Agata. 2006.

Texte de la voix-off (extrait) 


 Je veux te raconter les histoires de ces filles.
Celle pour qui le sexe est une arme dont elle se sert pour tuer l’homme.
Celle qui pour le goût de la salive, le goût du sperme, et le goût du vomi qui se mélangent, sont le goût de la vie et la soulagent.
Celle qui tente de vivre sans ressentir les blessures de son cœur et de son corps.
Celle pour qui travailler au bordel reste incompréhensible.
Celle qui, après le sexe, vole de l’argent dans le portefeuille de ses clients.
Celle qui a été violée par l’homme qu’elle aime.
Celle qui pense : « Je le veux. » et ne pense que cela quand elle choisit un homme.
Celle qui est devenue dépendante de son souteneur et de la masturbation.
Celle qui a été élevée comme un animal domestique par un homme riche.
Celle qui, en préservant l’amour, obéit au sexe, à l’homme, et à son vagin.
Celle qui sait qu’elle va mourir bientôt et ressent du désir pour son amant.
Celle qui se demande si elle est sale, mécanique sexuelle sale, achetée par des hommes sales.
Celle qui pense être morte à cause d’un viol, et espère se venger par le sexe.
Celle qui a reçu le sperme de cinquante hommes et en a joui.
Celle pour qui le sexe et elle-même ne sont que de l’argent, et qui vit de croire cela.
Celle pour qui se regarder baiser est le seul acte qui la rende consciente de sa vie.


C’est presque une même mémoire que nous avons toi et moi. Dans des chambres d’hôtels obscures, toutes les nuits tu rencontres des filles. Tu ne comprends pas le monde, tu l’avales c’est tout. Le remède est de vivre. Mais vivre est difficile.
Tu pensais changer le monde, tu sais maintenant que tu ne peux que regarder. C’est la perfection que tu cherches même si c’est insensé.

Ce que tu sais te rend fort mais ta vanité suffit à te perdre.
Dans le monde tout est miroir et tes blessures intérieures se reflètent dans tes yeux vides.
Tu as dit que tu voulais me filmer mais tu voulais me toucher. Tu essaies de te libérer en te débattant. Tu me suis à la trace. J’étais perturbée mais j’ai accepté pour toi.
Tu ne m’as jamais parlé de tes vraies raisons. Mon espoir et mes blessures seront dévorées. Est-ce pour moi aujourd’hui que je pleure ? Ou est-ce pour ton cœur, dont j’ai touché la pureté ?
Sors-moi de là...
Le trou rouge... c’est peut-être toi.


AKA ANA
Un film de Antoine d’Agata



C’est dans un lieu désertique qu’elle apparait, comme une illusion, une ville fantôme qui, malgré son apparence, n’a pas de substance. C’est une zone qui accepte et avale les gens fragiles. Là souffle le vent du désert.
Elle est la source du désir humain comme une force magnétique, une topographie qu’on ne trouve pas ailleurs.
Elle est brute, dépouillée et sans fard. Elle est floue et anonyme. Elle avale tout, comme un liquide organique, elle irrigue la chair et simplement l’humain.

Filmer l’état de cette ville, et son paysage, en donner une image aboutie est totalement impossible. Comme une amibe, elle se multiplie, se divise sans cesse, et, en frémissant, vit le jour et la nuit, continue sa multiplication énigmatique. Au bout de la jouissance sexuelle, la mort est là qui attend. La mort et le sexe sont proches mais distincts. La mort est une masse de particules, un brouillard qui enveloppe l’humain. La mort est un nuage de poussière qui flotte autour de la vie.

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