« Vous raconterai-je comment tout cela a commencé ?
Tout vient d’un rouleau peint qui se transmet dans notre famille depuis des
générations. Y est peinte une femme nue de grande beauté. Il est dit qu’un ancêtre
de la maison Kure, éperdu de douleur à la mort de sa femme bien-aimée, résolut
de peindre son cadavre dans tous les détails, afin de fixer dans une forme
visible l’univers éphémère de l’éclair de la rosée matinale ; il se mit à
peindre en faisant appel à toutes les ressources de son cœur ; or, pour
une raison inconnue le cadavre se décomposé à vue d’œil, et il n’était pas
parvenu à la moitié de son œuvre qu’il ne restait plus que quelques os blancs. »
Yemeno Kyûsaku, Dogram Magra (1937)
traduit du Japonais par Patrick Honoré
« MA est le signe de l’éphémère. SABI c’est un état où
l’âme s’est séparée du corps. Le moyen-âge japonais appelait SABI, la beauté
qui transparaissait des couleurs passées des couleurs patinées par l’écoulement
du temps ou encore la beauté d’un état de transfiguration devant la désolation.
Cela ne s’appliquait pas seulement aux
objets ou aux paysages mais aussi à toutes les expressions artistiques. L’origine,
le fond de ce sentiment, c’est le désir instinctif de destruction qui mène à la
catastrophe finale. Tous les phénomènes tendent à la disparition. Les corps visuels
se dépouillent, deviennent restes ou cadavres, puis squelettes pour être
finalement détruits ; ce cycle naissance-destruction se reproduit
inlassablement. C’est ainsi que s’exprime au Japon le sentiment de fin.
Conscient que la catastrophe, la mort pour l’homme est un achèvement définitif,
qu’aucun espoir de résurrection ne lui est laissé, l’homme résigné n’a plus qu’une
façon de vivre : instant par instant. »
(Programme du festival d'automne de Paris, 1978)
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