jeudi 28 juillet 2011

La Vie éphémère (Mujô, 1970) d’Akio Jissoji



Il y a donc ce titre, Mujo, qui signifie l’impermanence de toute chose et dont la traduction «Vie éphémère» retranscrit la poésie et la mélancolie. Mujô est une œuvre religieuse et complexe, autant par exemple que le Bad Lt de Ferrara. Le sculpteur de la sublime déesse Kanon est un artiste impuissant qui ne peut faire l’amour à sa femme qu’en la partageant avec son assistant, un jeune homme qui par ailleurs a une liaison incestueuse avec sa soeur. Le moine, gardien du temple auquel Kanon est destinée, ne peut évidemment pas comprendre comment une statue à la divine beauté a pu naître au cœur de la débauche.
L’inceste de Masao et de sa soeur Yuri, qui occupe le cœur du film, se réalise au cours d’une scène fantastique où les deux personnages portent les masques Nô de leurs parents. Ce ne sont plus un frère et une soeur, ni même deux êtres humains qui se poursuivent dans la maison familiale, vide et obscure mais des êtres immuables, rejouant un rituel séculaire. Serait-ce le couple divin Izanagi et Izanami, frères et sœurs dont l’union présida à la naissance du Japon ?



Vu à la rétrospective ATG de la Maison de la culture du Japon à Paris.

La Vie éphémère
無常 (mujô)
d’Akio Jissôji / 143’ /
Avec Ryô Tamura, Michiko Tsukasa, Eiji Okada, Kotobuki Hananomoto, Mitsuko Tanaka

dimanche 24 juillet 2011

Ce soir, c’est la fête au château

 Tout le monde s’est mis sur son 31.



Mon oncle et ma tante sont venus spécialement des Carpates.  


  Mon frère n'est pas là, il passe ses vacances avec son double. 



 Ma sœur a outrageusement flirté avec le petit spectre du grenier.
 



 Et moi, du crépuscule à l'aube, j'ai dansé pour les fantômes.

Les Préparatifs de la fête (matsuri no junbi) de Kazuo Kuroki


«M. Shindo dit que pour écrire un grand film, il faut s’inspirer du monde qui nous entoure. Mais ma vie n’est pas du tout intéressante» se lamente le jeune garçon, apprenti scénariste, de Les préparatifs de la fête. Il fait bien sûr référence au génial Kaneto Shindo (scénariste de Masumura, Misumi et réalisateur d’Onibaba). le film va évidemment lui donner tort, au fur et à mesure que son univers, un village qu’il imagine minuscule et sans histoire, va être pris dans une spirale sans fin de désirs frénétiques.
Le désir à l’état brut, c’est une jeune fille qui revient au village après avoir été prostituée et droguée à Tokyo. Amnésique, réduite à l’idiotie, elle n’est plus qu’une créature sexuelle qui détraque encore plus la libido des villageois. Jusqu’au grand-père qui se retrouve fou d’amour et accepte une paternité tardive. L'apprenti scénariste est lui-aussi chamboulé par la jeune fille qui, le soir sur la plage, accepte l’étreinte de tous les hommes du village. L’autre pôle à incontrôlable de la libido est son propre père, indigne et sympathique, qui multiplie les maîtresse et les enfants illégitimes. Le jeune garçon pense d’abord que le désir et la sexualité le détournent de son écriture, avant de se rendre compte que c’est précisément de cette énergie que jaillira sa création.
Le scénariste Takehiro Nakajima écrit sa biographie à travers le film de Kuroki ; un manifeste vitaliste, paillard, burlesque et bouleversant, lointain ancêtre de The Taste of Tea de Katsuhito Ishii.

Vu à la rétrospective ATG de la Maison de la culture du Japon à Paris.
A noter la présence du regretté Yoshido Harada (décédé le 19 jullet)  et de Miki Sugimoto, bien loin de ses rôles de Suikeban mais toujours magnifique).





Miki Sugimoto

Yoshido Harada



Les Préparatifs de la fête
祭りの準備 (matsuri no junbi, 1975)
de Kazuo Kuroki
Avec Jun Etô, Keiko Takeshita, Yoshio Harada, Haruko Mabuchi, Hajime Hana


samedi 16 juillet 2011

L'emploi du temps d'une matinée de Susumu Hani



Avec Jetons les livres et sortons dans la rue en 1971, Terayama avait tourné l’ultime film expérimental garage rock. Un film tremblant de colère, sans cesse catapulté par la musique sauvage des Tokyo Kids Brothers (feat. JA Seazer). Susumu Hani, son complice, pour qui il avait écrit le scénario de Premier amour version infernale, s’affirme davantage comme un esthète pop délicat avec, en 1972, L'emploi du temps d'une matinée (The Morning Schedule/Gozenchu no jikanwari). Reiko et Kusako, deux adolescentes partent en vacances à la campagne, une n’en reviendra pas. Reiko, la survivante, visionne avec leur ami commun  Shitamura les films super 8 de la disparue en cherchant les raisons de sa mort. C’est l’occasion avant tout pour Hani de construire un film presque uniquement en portraits super 8 de jeunes filles, dans la campagne, se baignant nue dans les rivières, sur fond de folk vaporeux. A côté des autres films ATG (le Mujo/La vie éphémère de Jissoji, par exemple), aux cadres et au noirs et blancs splendides, L'emploi du temps d'une matinée est un film fragile, aux images vacillantes, papillonnantes.



La mort de Kusako étend bien sûr un voile mélancolique sur chaque image, mais ne donne lieu à rien de psychologique ni de mélodramatique. La jeune fille tombe du haut d'une falaise ; de sa mort nous ne verrons que le film enregistré par sa caméra super 8 lors de sa chute. S'est-elle suicidée ? On supposera qu’elle a été déçue par Oki, un jeune déserteur rencontré au bord de l’eau.
Reiko et Kusako sont des petites sœurs nippones de Céline et Julie qui inventent mille scénarios devant leur caméra super 8 : espionnage, film d’horreur, slapstick. Kusako avec ses grands yeux noirs et fixes apparaît comme une étrange petite médium qui ne vit qu’à travers sa caméra super 8. Quant à Shitamura, il est condamné à tomber amoureux de ces filles qui sont d’abord des images. « Je n’étais vraiment amoureux d’elle que lorsque je la voyais projetée sur l’écran» dit-il à propos de Reiko.
Comment traverser l’écran et entrer dans la vie ?









L’Emploi du temps d’une mati­née
午前中の時間割り (gozen­chû no jikan­wari) INÉDIT
de Susumu Hani / 101’
Avec Aya Kunikida, Shau Sûmei, Takuji Hatano, Itaru Oki, Shû Wada

Vu à la rétrospective ATG de la Maison de la culture du Japon à Paris
La page de la rétrospective

Les Esprits maléfiques du Japon



Les Esprits maléfiques du Japon (Nippon no akuryo, 1970) de Kazuo Kuroki n’est pas, et de loin, mon film préféré de l’ATG. Malgré la présence de Tatsumi Hijikata et surtout le double rôle de Kei Satô en commissaire de police et en yakuza, parfaitement identiques (au grain de beauté prêt,) échangeant leurs identités. Le point de départ à la Abe/Teshigahara se perd dans une histoire de lutte entre clans mafieux assez compliquée et moins intéressante que n’importe quel film de studio plus classique. Pourtant, Les Esprits maléfiques du Japon contient un plan sublime, la jeune fille au crépuscule, comme arraché à un souvenir amoureux. C’est à travers elle que se réunissent le gangster et le policier pour ne plus former qu’une seule entité.
Le plan est accompagné d’une musique et d’une bribe de voix-off. J’ai choisi de le laisser muet.


jeudi 14 juillet 2011

Hokusai par Kaneto Shindo



 « Hokusai qui peignit, immense sur les murs de sa chambre, le sexe de sa fille Oei qui fut aussi sa maîtresse.» raconte Romain Slocombe dans L’Empire érotique. Sans aller jusqu’à ces représentations extrêmes et sans aborder frontalement l’inceste, c’est sur la relation d’Hokusai (interprété par Ken Ogata) et sa fille que se base l’étrange biographie réalisée par Kaneto Shindo en 1981 : Edo Porn (Hokusai manga). Hokusai brise toutes tentatives d’émancipations de sa fille, la maintien dans un rôle d’assistante/complice de ses fantasmes. Lorsque Kaneto Shindo montre Hokusai et sa fille vieillis, l’inceste trouve une curieuse réalisation. Ces maquillages de théâtre, stylisés sans souci de réalisme, confèrent à Hokusai et Oei le même âge tel un étrange couple de vieillards, ni père ni fille, ni mari ni femme.
Le grand moment du film est la réalisation du célèbre Rêve de la femme du pécheur, sans doute l’oeuvre érotique la plus importante des beaux-arts japonais et la plus influente. Oei dépose sur le corps blanc et nu du modèle un poulpe. Les images hallucinées que Hokusai couche sur le papier sont-elles les fantasmes du peintres ou ceux de la jeune fille ? Hokusai ne dessine-t-il pas comme un médium qui traduirait l’excitation de son modèle et le rêve érotique que le poulpe fait naître ?





Kaneto Shindo










Le rêve de la femme du pécheur
Hajime Sawatari
Une lolipoulpe anonyme



Une variation moderne du Rêve...
http://delicesdelacruaute.blogspot.com/2010/03/sea-cucumber-porn.html

dimanche 10 juillet 2011

Le retour du Lézard Noir

En 1994, Miwa donnait une série de représentation de son rôle le plus célèbre : la voleuse de diamants du Lézard Noir d'Edogawa Rampo dans l'adaptation théâtrale de Yukio Mishima. Plus de 25 ans après le film de Fukasaku adapté de la pièce qui l'a rendu populaire de part le monde, Miwa réendosse les tenues noires et lamées de l'aventurière.










Sur Miwa, lire aussi sur le blog :
Akihiro Miwa, un dandy japonais

et voir le film que Pascal Alex Vincent lui a consacré  "A la recherche du Lézard Noir"
la page Facebook du film