dimanche 25 mars 2012

Les yeux d'Helmut Newton

Helmut par Helmut et quelques flous accidentels qui font apparaître Dorian Gray
Les photos d'Helmut Newton vous toisent, hautaines, bien sûr aristocratiques. Des nus, inhumains, gardiens d’un érotisme cadenassé auquel nul n’aurait accès que lui-même et quelques initiés. Et le défilé des puissants : collection de momies rigides, qui ne pourraient vivre hors des mausolées glacés de la jet-set (il y a quelque chose de Marienbad dans cette pétrification).  Il est bien sûr flatteur d’avoir son portrait tiré par Newton, mais celui-ci ne vous loupe pas. Son noir et blanc tient de la fiche anthropométrique (les grands nus inspirés des portraits par la police des terroristes de la RAF) et de la radiographie. Newton n’est jamais plus puissant que lorsque transpire le Mal historique de ses modèles : la morgue de hobereau d’extrême droite de Le Pen posant avec ses chiens ; Leni Riefenstahl remaquillant un visage, celui de la corruption des images sous le 3e Reich, qu’elle échoue à rendre présentable. 

(je n'ai pas retrouvé la photographie, ce n'est donc qu'un snapshot pris pendant l'expo)


Pour ma part, la première fois où je rencontrais les photographies de Newton c’était en 1983 (j’avais 14 ans) et j’avais réussi à acheter le n° de Playboy où mon idole de l’époque - Nastassja Kinski - posait pour Helmut Newton. Les photos, censées faire la promo de Surexposé de James Toback (un film calamiteux) étaient atroces. Je sentais une ambiance poisseuse : Toback ivre mort sur une chaise longue au bord d’une piscine, Kinski dans son déshabillé, maquillée salement (et Newton n’épargnait pas la sueur californienne sur le fard et le rouge à lèvre), cajolant une poupée de Marlène Dietrich. Nastassja ne survivra guère plus de 2 ans à Hollywood, et Newton, qui sans doute ne l’aimait pas et n’avait pas l’ombre d’une commisération pour elle, avait saisi le portrait d’une jeune fille larguée parmi des cinéastes et producteurs adipeux, au cerveau embrumé par les substances qui circulait alors à haute intensité à Beverly Hills. 





On l'aura compris, Newton m'impressionne, sans que j'ai une réelle affection pour lui (du reste, il devait bien s'en ficher de l'affection). Mais il y a pourtant une partie de son travail que j’aime, ce sont les photos des Yeux de Laura Mars d’Irwin Kershner (scénario de John Carpenter). Si je ne m’abuse, ce sont des imitations du travail de Newton, censées être prises par la photographe Faye Dunaway. L’actrice, magnifique quand elle s’agenouille avec ses jupes fendues, apporte l’érotisme immédiat qui manque aux photos de Newton. Il y a aussi la musique et surtout «Let’s all chant» du Michael Zager Band qui ancre le travail de Newton dans la décadence poudreuse de la disco des années 70. 



L'expo de Newton au Grand Palais ici

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