samedi 31 juillet 2010

遠方の彼方から. My own private Kabukicho

Traverser Kabukicho la nuit pour rejoindre Golden Gai, expérience toujours électrisante.
Pas seulement pour la vie interlope. Peu d'occidentaux y ont de toute façon accès, et les clubs fantasmatiques comme ceux photographiés par Araki nécessitent d'être accompagnés par un habitué. Sinon, on se heurte à un définitif « only for japanese ». Il ne reste au touriste naïf qu'à se faire embarquer par les Sénégalais – se faisant passer pour des Américains – qui rabattent pour des clubs de troisième zones : « Do you wanna have sex with japanese girls. Come on I'll show you real japanese girls ! » Bien sûr, les vraies japonaises sont probablement des Philippinoises ou des Chinoises entre deux âges, et les « free drinks » promis seront encaissés au petit matin.
On raconte d'ailleurs que depuis que les yakuzas se sont tournés vers des affaires plus « respectables » (l'immobilier), Kabukicho serait aux mains de la mafia chinoise... plus violente et bien sûr dénué de code d'honneur. C'est toujours la même histoire, dans tous les films de mafia du monde entier : les nouveaux arrivants ne respectent pas les rêgles des anciens.
Kabukicho demeure pour moi un mystère, une façade et, à cause de ce que son nom m'évoque, un théâtre. Les stars absolues n'en sont pas les filles d'ailleurs, mais des garçons d'une vingtaine d'années, que l'on appelle ici les « hosts ». Tous minces, vêtus de noirs, bronzés et les cheveux blonds ou oranges ébouriffés. J'ai toujours eu l'impression qu'il s'agissait des chats errants de Golden Gai prenant forme humaine à la nuit tombée.
Je n'ai jamais pu vraiment déterminer leur vraie occupation. Il me semble que certains rabattent pour les clubs et recrutent les jeunes filles qui traînent toute la nuit dans le quartier. D'autres sont escort boys pour femmes, d'autres travaillent dans les clubs homosexuels. Ils sont à ma connaissance plutôt sympas et assez narcissiques pour aimer être photographiés. Pour ne pas déranger leur travail, je leur demande de prendre la pose le matin.
Et puis il y a les néons, la vraie raison de ma fascination. Ce sont eux qui battent la mesure du quartier, incroyable dépense de sexe, d'argent et d'électricité.


























jeudi 29 juillet 2010

遠方の彼方から. Jeune guide au musée de la Mori Tower









Parmi les oeuvres d'arts exposées à la Mori Tower, il y a les jeunes guides. Celle-ci gardait une très belle pièce : un bassin éclairé au néon, produisant une eau blanche presque polaire.

遠方の彼方から. Promenades et rêveries un peu partout dans Tokyo




Il m'arrive tout de même parfois de quitter Golden Gai et Shinjuku.
Pour aller à la Mori Tower de Roppongi, par exemple, qui reste un de mes sites préférés. Veillé par l'araignée « okasan » de Louise Bourgeois, Roppongi Hills est une sorte d'oasis – calme et fraiche - qui surplombe le quartier des boîtes de nuit pour occidentaux – haut lieu de stupre tokyoïte.
Le musée d'art moderne est situé au somment de la tour, le plus haut bâtiment de Tokyo. A la nuit tombée le panorama est magique.
L'an dernier, le musée présentait une rétrospective splendide à l'artiste dissident chinois wei Mei Mei. Cette année, il se consacre à la réinvention de la nature par de jeunes artistes japonais.
Une exposition ludique et spectaculaire qui permet de profiter d'une tempête de neige à Tokyo en plein mois de juillet. Richard Brautigan aurait apprécié.



http://www.mori.art.museum/html/english/contents/sensing_nature/exhibition/index.html

La nature n'est pas qu'exposée à Tokyo, elle parcourt la ville et n'en a jamais été chassée. Tokyo n'est pas qu'une ville de verre et de béton. Ce n'est pas la Los Angeles de Blade Runner (même si l'attachement pour le film me pousse à en retrouver sans cesse des traces dans l'architectures et les écrans géants). Le privilège du voyageur et du touriste (n'ayons pas peur de ce mot lorsqu'on a un guide et une carte dans sa poche), est de se perdre dans la ville, de chercher quelque chose et de trouver autre chose.
Par exemple, essayant de localiser la galerie Parabolica-bis à Yanagibashi (éditrice d'e la magnifique revue Yaso et promotrice de l'œuvre de Trevor Brown) je traverse un petit pont et tombe sur un canal et ses péniches. On se met à rêver, bien sûr, que l'Atalante pourrait accoster parmi les péniches japonaise et que le père Jules viendrait troquer quelques bibelot avant de s'enfoncer dans un très ancien quartier des plaisirs.



Autres plaisir du marcheur : décider de faire un détour et se retrouver comme par magie à l'endroit exacte de sa destination. Je décide d'aller à pieds de Tsukiji à Shiodome et ensuite de me rendre dans l'île futuriste et très kitsch d'Odaiba (où se trouve la réplique de la statue de la liberté).




Je traverse un vieux marché au poisson, puis, après avoir longé des entrepôts, je me prépare à une longue marche le long d'une artère épuisante sous d'immense buildings – image d'un Tokyo un peu inhumain. Lorsque j'aperçois un parc, j'y entre sans hésiter, heureux malgré la pluie de m'évader du béton. Il s'agit du parc magnifiquement préservé de Hama-rikyu, jardin du Shogun Tokoguwa, dont j'ignorais l'existence.







Marchant aux hasard des allées, m'enfonçant dans le sous-bois je me retrouve... devant la baie de Tokyo, en face, exactement, de l'embarcadère pour l'île d'Odaiba . L'île en question ne vaut d'ailleurs que pour la traversée en Ferry ; on a l'impression d'accoster dans une cité de science-fiction dessinée par Alex Raymond.
Mais bien sûr, on est toujours heureux le soir de retrouver Shinjuku et de vérifier que Sandor Krasna avait dit vrai : les chats sont les vrais maîtres de Golden Gai.

mardi 27 juillet 2010

遠方の彼方から. Eni & Chi4, J-Pop à Shinjuku


Une autre petite chanteuse, tendance J-pop rose bombom. Bien sûr, on me dira que c'est surtout la perfection kawaii de Eni qui retient l'attention. Pourtant, elle est également la vraie auteur de ses chansons, ce qui est estimable. Ce qui me touche, et traduit bien l'énergie de la ville et de la jeunesse, est ce volontarisme d'aller chanter devant les portes d'une gare pour annoncer un concert. 
Il y a chez les jeunes chanteurs de Tokyo un mélange de sérieux, de candeur et de foi.
Alors qu'une chape de plomb semble peser sur Paris, Tokyo est encore une ville où l'on rêve.

Le blog de Eni
Le blog de Chi4 aux claviers




遠方の彼方から. Kyôfu de Hiroshi Takahashi au Shinjuku Theater





Première séance de cinéma à Tokyo dans le très agréable Shinjuku Theater.
Par chance, j'ai pu voir un des désormais très rares films d'horreur de l'été : Kyôfu de Hiroshi Takahashi, scénariste des chef-d'oeuvres du genre : les trois volets de Ring, Orochi (Blood) de Norio Tsuruta. C'est d'ailleurs parfois l'univers grotesque de Umezu Kazuo (auteur du manga original de Orochi) que le film évoque, avec ses sordides relations entre mères et filles et l'obsession des cerveaux à vif..
Le film est très beau même si j'avoue n'y avoir presque rien compris. Tout commence par d'atroces expériences sur des cobayes humains... opération du cerveau transformant de jeunes gens en légumes. Ce prologue, en noir et blanc, se révèle un film projeté par un couple dans son salon. Etrange conséquence de l'expérience : une lumière aveuglante qui surexpose l'image. Le phénomène lumineux est surpris par les deux petites filles du couple. Elles en seront marquées à vie. L'une suicidaire, l'autre morte-vivante aux yeux laiteux. La suite est pour moi bien plus obscure : la mère semble posséder le pouvoir de faire saigner sa fille à distance. Un garçon se désagrège sur le sol en matière grumeleuse. Une des cobayes, devenue une ignoble limace cannibale digne des mangas de junji Ito, est enceinte et l'échographie révèle qu'elle porte la lumière dans son ventre. L'expérience aurait donc eu pour but de faire naître cette lueur, pont avec l'au-delà, dans notre monde. L'une des plus belles idées est la reprise du film inaugural enrichi des images des parents et des petites filles. Ainsi le film projeté a aussi le pouvoir d'enregistrer les images de ses spectateurs, d'en conserver la mémoire.








lundi 26 juillet 2010

遠方の彼方から. Rockers à Yoyogi, renards à Ueno




Chris Marker filmait déjà les rockers du parc de Yoyogi dans Sans soleil. Sont-ce les mêmes qui dansent aujourd'hui, rejouant les meilleures poses d'Elvis ou GeneVincent ? Ou leurs enfants, perpétuant la tradition du rockabilly japonais comme on maintient le code d'honneur d'un clan samouraï ? Qui sait, dans 100 ans peut-être, lorsque le dernier rocker aura disparu et sera devenu une légende, un petit temple sera érigé, gardé par des renards à bananes et blousons de cuir.



A Ueno en bordure du parc, un petit temple très sombre et ancien, gardé par des renards au sourire un peu cruel.



Et à Ueno, toujours, une fantastique mer de nénuphars.


samedi 24 juillet 2010

遠方の彼方から. Shibuya




Disney, le plus grand génie du capitalisme, a sans doute rêvé un jour de Shibuya, parc d'attraction immatériel où chacun est son propre personnage.
Ici, on a l'impression qu'une mode peut naître au grand magasin Shibuya 109 pour s'éteindre quelques minutes plus tard devant la statue de Hachiko.
L'effigie du petit chien qui allait attendre même après sa mort son maître à la gare est sans doute l'endroit au monde où l'on est sûr de ne jamais manquer un rendez-vous. On aime Hachiko comme un petit dieu protecteur veillant pour que les amis et les amoureux se retrouvent dans la foule. Hachiko est comme le centre de gravité, d'un ballet incessant de bandes d'écolières en costumes marin, de filles en kimonos roses et violets, toutes blondes car à Shibuya les japonais sont blondes, de fashionistas scintillantes, aux ongles comme des bijoux, à la peau caramel, de jeunes travestis presque imperceptibles, de garçon efflanqués comme des chats sauvages. On peut rester des heures devant le Starbuck Cafe à observer la foule, brassage organique où personne ne se se heurte jamais.
La Terre ne tourne pas sur elle-même, la Terre tourne autour du carrefour de Shibuya.







遠方の彼方から. Concert de The Gazette à Kudanshita


" On lui apprenait que c’étaient maintenant les petites filles qui faisaient et défaisaient les gloires, que les producteurs tremblaient devant elles. " (Chris Marker, Sans soleil)

Sortant du métro Kudanshita, non loin des bouquinistes de Jumbocho, j'aperçois des groupes d'adolescents aux vêtements tous plus délirants les uns que les autres. Cette foule qui remonte la colline se rend au concert de The Gazette, très populaire groupe de Visual Key qui a lieu au Budokan, immense complexe sportif célèbre pour avoir accueilli les Beatles.



Dans les silhouettes androgynes et les chevelures teintes ébourrifées, les vêtements multicolores et les maquillages théâtraux, subsiste quelque chose du kabuki, d'un art tout à la fois débraillé et raffiné.  Les adolescents vivent passionément leur moment "glam rock", juste retour des choses puisque Bowie emprunta énormément au visuel japonais.

Plus tard, au parc d'attraction de Kuraku-en, j'observais de petits fantômes courir dans le brouillard multicolore.

 


jeudi 22 juillet 2010

遠方の彼方から. Chats et lolitas à Akihabara


L'écolière japonaise à l'ère de sa reproduction cybernétique
On peut tout louer à Tokyo, que ce soit une lolita ou un chat pour le temps d'un café. Sur le modèle des bar à hotesses, on choisit son chat et on peut le caresser et jouer avec lui pendant une heure. On peut se demander s'il y a une si grande différence entre les "pets" loués et les jeunes filles costumés qui travaillent dans les bars et qui offrent l'imitation de la soumission à des otakus qui osent à peine les regarder. 
Akihabara ou "electric town" est le grand marché de l'électronique à Tokyo. Mais comme si il fallait satisfaire tous les besoins des fanatiques des ordinateurs, c'est aussi le territoire des Maids café, ces endroits où l'on est servi par des soubrettes aux voix aigrelettes, et du lolicon, le fétichisme des écolières. On traverse d'immenses boutiques roses où sur chaques couvertures, des écolières mangas hurlent de plaisir et de douleur, couvertes de sperme, les vêtements retroussée ou déchirés. Comme toute structure fétichiste la partie vaut pour le tout et l'écolière est impitoyablement anatomisée en uniformes, sous-vêtements, fragments de corps reproduits en instruments masturbatoires. 
Si à Harajuku et Takeshita Street la lolita japonaise est assemblée, c'est à Akihabara qu'elle est désarticulée. Si les otakus sont experts pour démonter et assembler des ordinateurs, en revanche, le mystère des filles leur échappe.










mercredi 21 juillet 2010

遠方の彼方から.Maman à Roppongi



遠方の彼方から. Le parc d'attraction de Hanayashiki à Hasakusa



Les parcs d'attractions ont toujours eu une place privilégiée dans les récits d'épouvantes. Entrer dans un parc d'attraction, c'est toujours prendre le risque de ne jamais en ressortir.
Celui de Hanayashiki à Hasakusa est l'un des plus anciens du Japon puisqu'il a ouvert en 1949.
Ce jour-là, il était presque désert et écrasé de soleil. Les rares visiteurs étaient un groupe de collégiens sages et quelques couples silencieux. Je croisais des employés au regard un peu vide, qui me saluaient peut-être encore plus mécaniquempent qu'à l'accoutumée. Mais le plus souvent, je marchais seul dans les allées entre les statues en plastiques désuettes et les imitations un peu inquiétantes de scènes de Walt Disney. Je quittais le parc avec un étrange sentiment de mélancolie.

mardi 20 juillet 2010

遠方の彼方から. Mikagami à Ikebukuro


Mikagami chante dans la rue à Ikebukuro un folk expérimental. Si l'on montre de l'intéret à ses chansons, elle offre un CD. Une générosité qui est celle de sa performance. "Le japon, entre tradition et modernité", est un cliché même s'il se révèle souvent réel. Parlons plutôt du Japon comme pays de toutes les mutations, où les corps n'en finissent pas de se transformer et proposent les hybridations les plus inouïes. Sans autre pouvoir que sa voix, Mikagami devient une sorcière psychédélique et transforme ce petit coin de Tokyo en terre de feu et de folie.

http://www.myspace.com/mikagami0403