mardi 28 février 2012

Rencontre avec Wang Bing




J’ai interviewé Wang Bing cet après-midi pour les Cahiers du Cinéma. C’est lui qui a révolutionné le documentaire avec son premier film : la trilogie A l’ouest des rails (2003), plongée de neuf heures dans une Chine du nord oubliée de tous, où les usines tombent en ruine, où des villages entiers sont démolis et leurs habitants livrés au chômage et la paupérisation.
Wang Bing est à Paris pour présenter ses deux nouveaux films : Le Fossé (une fiction sur les camps de rééducation des «droitiers» de 1950) et l’extraordinaire Fengming, chronique d’une femme chinoise (monologue de 3h où He Fenming raconte comment elle fut, avec son mari, victime des purges droitières et internée dans ces camps).
Nous avons parlé du fait de vivre à l’intérieur de la politique, et de ses conséquences, où un rien, une phrase à laquelle on ne prête pas attention, une plaisanterie, peut déterminer une vie. Nous avons aussi parlé des cimetières des camps de rééducation, immenses champs de cadavres parfois même pas enterrés, privés de toute identité. Et de cette terrible chose pour des Chinois (mais aussi pour quiconque) de ne pas pouvoir reconnaître ses morts et leur offrir une sépulture.


Le prodigieux plan séquence de L’argent du charbon (dont Wang Bing souhaite par ailleurs refaire le montage).




Fengmin, chronique d’une femme chinoise sort le 7 mars (la fiche du distributeur ici ) ).
Le Fossé sort le 14 mars (la fiche ici)

dimanche 26 février 2012

La poupée rouge





«Read Into My Black Holes», Gisèle Vienne et Dennis Cooper
Centre Pompidou, du 22 février au 12 mars 2012


Teenage Hallucination (Gisèle Vienne et Dennis Cooper)



"Das ist unheimlich ! Das ist fucking unheimlich !" aurait pu s’écrier Siggy Freud en sortant de Teenage Hallucination.
Moi en tout cas, ça m’a fait frissonner jusqu’à l’os.
J’adore les poupées bien sûr, et je connais bien l’œuvre de Dennis Cooper que je considère comme le plus digne héritier de Burroughs. Mais rien ne pouvait me préparer à cela.
Dès l’entrée dans la salle, j’ai été saisi : 39 adolescents me regardaient. Qui étaient-ils ? Que pouvais-je lire dans leurs yeux vides de poupées, leurs yeux de morts-vivants, leurs yeux de damnés ? De quel massacre avaient-ils été victimes ? Quels meurtres avaient-ils perpétrés ? Si leur enveloppe était bien là, dans une trompeuse immobilité, dans quelle réclusion leur esprit était-il prisonnier ?
Les poupées ne livrent jamais leur secret, et comme le dit le maître japonais Simon Yotsuya, «la poupée ne représente rien d’autre qu’elle même. Une poupée est une poupée.» Il faudrait revenir 39 fois à l’exposition, pour regarder le visage de chacune des 39 poupées et tenter de comprendre leur histoire... On ne comprend pas les poupées mais ELLES nous comprennent. 
Autre espace, ce recoin blanc où un adolescent en sweet-shirt bleu, pâle comme la mort, tenant son propre homoncule à la main, et parfois agité de soubresauts, entretient un dialogue on ne peut plus flippant avec son geôlier, le gardien meurtrier d’un hôtel... On comprend bien vite que la poupée et le geôlier invisible sont une seule et même personne. Et que derrière ce visage un peu grumeleux d’enfant zombie, se cache une multiplicité dont nous faisons sans doute partie.
L'étrangement inquiétant, ce ne sont pas les poupées, mais nous, les visiteurs : ceux qui n'habitent pas la maison mais pourtant y demeurent.











Teenage Hallucination / Nouveau festival Gisèle Vienne et Dennis Cooper. Au centre Pompidou du 22 février au 12 mars 2012. Exposition gratuite.

La présentation de l'expo ici

jeudi 23 février 2012

Adiós Lina



La dernière fois où j’ai rencontré Lina, c’était à la rétrospective de la Cinématèque française en juin 2008. Nous sommes allés manger, avec Jess et Lina, dans un restaurant marocain.
Lina nous a raconté cette histoire :
Je faisais mes courses dans un petit supermarché, et il y avait une dame, plutôt bourgeoise, et sa fille qui devait avoir 12 ans.
La fille a demandé : «Maman, tu m’achètes du coca-cola ?» La mère a répondu : « Non, pas cette fois.» La fille a encore demandé : «Maman, s’il-te-plait, achète moi du coca-cola !»
« Ma chérie, je t’ai dit non !» a répété la mère. 
La fille a alors crié : «Achète-moi du coca-cola, SALE PUTE !»

Mais Lina a bien sûr prononcé : «Achète-moi dou coca-cola, sale poute !»
L’anecdote la faisait rire aux larmes. Et nous aussi.

samedi 18 février 2012

Danser sa vie

Centre Pompidou (23 novembre 2011 - 2 avril 2012)






























Ici le dossier de presse de l'expo.

mardi 14 février 2012

L'été cruel

j'ai vu l'homme qui vit 
dans les ténèbres du lac 
et autour de lui flottent les âmes 
des enfants assassinés


  








Blood Mania (Robert Vincent O'Neill , 1970)






Avec sa totale absence de bon goût, ses couleurs de soap-opera déviants et ses plans de couples au crépuscule, Blood Mania (sombre histoire de machination californienne) est un enchantement, surtout lorsqu’apparaît une fascinante poupée Barbie répondait au nom parfait de Vicki Peters. Cette jeune fille aux cheveux de nylon n’a joué que dans un autre film The Cult (1972) alias The Manson Massacre de Kentucky Jones (?!). Tout est donc réuni pour en faire une idole automatique ! Notre bonheur serait déjà complet mais Robert Vincent O'Neill, décidément très généreux, nous gratifie en plan final d’une ravissante croûte ésotérique !