vendredi 17 avril 2009

La défonce (Bad Lieutenant)


De l'héroïne pour parcourir tout le chemin du corps, refaire le tour complet de l'être humain, se dévorer encore une fois. Se laisser entraîner par les lignes du papier peint, au rythme d'une pulsation engourdie, de la coulée épaisse et accablante. S'affaisser, rentrer en soi-même et se briser contre son corps. Nulle issue, d'au-delà où s'élever, d'en-deçà où se replier.
Le sang aspiré se mélange à la drogue dans la seringue. Un instant le corps se montre à l'extérieur de lui-même, l'intériorité est présente à l'image. Ce sang et cette drogue ont contaminé le champ, le temps devient pesanteur. Comme si devant ce plan qui dure, cette image presque immobile que nous avons le temps de détailler, cette durée elle-même était dépassée et que le temps nous submerge alors, rendant intolérable la solitude de ces corps.
On voudrait "ôter sa peau et danser autour de ses os*" mais la prison de chair nous condamne à l'humanité et à la durée.

Stéphane du Mesnildot

* William S. Burroughs, Havre des saints. Ed. Flammarion, 1977, p. 89.
Paru dans Admiranda/Restricted 11/12 : Fury (American Shooting). 1996.


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