lundi 20 avril 2009

Notes sur « Les Vampires du cinéma » de David Pirie

Les Vampires du cinéma (The Vampire Cinema) du britannique David Pirie a beaucoup compté pour moi, probablement parce que je l’ai acheté à 13 ans et que ses images étaient hautement évocatrices. Un des mes premiers livres vraiment érotique était aussi un livre sur les vampires...
Mais aussi parce qu’il offrait un panorama du genre très complet pour l’apprenti-fantasticophile que j’étais alors.
« Les vampires du cinéma », plutôt que « Les vampires au cinéma ». Même si cela est sûrement dû à la traduction, la nuance est notable, comme si les vampires étaient un élément du cinéma lui-même.

L’iconographie et la maquette sont splendides, presque encore inégalées.
Chaque chapitre a pour sous-titre un extrait du Dracula de Stoker en face d’une pleine page noir et blanc (alors que le livre est aussi en couleur).


Le ton adopté par David Pirie, hautain et sentencieux m’impressionnait beaucoup à l’époque, surtout par un usage exclusif de l’imparfait qui donnait à penser qu’il embrassait d’un seul regard toute l’histoire du cinéma des vampires. (Encore maintenant, je me rends compte que « je fais du Pirie », lorsqu’il s’agit d’affirmer certaines choses de façon catégoriques mais sans trop avoir l’air d’y toucher.)
Bien sûr la traduction y était pour quelque chose avec des bizarreries comme "Le vampire du sexe" pour le chapitre consacrée aux vampirettes (formulation vieillotte, renvoyant sûrement à l’expression « les personnes du sexe » pour parler des femmes).
Certains jugement de Pirie (sur Lon Chaney en particulier) sont contestables ; d’autres très justes, par exemple sur Le bal des vampires, le film ennuyeux et surestimé de Polanski : « Même Dance of the Vampires, de Polanski, est en fin de compte nettement moins intéressant que n’importe le quel des films qu’il essaie de tourner en ridicule. »



Quant aux films, en Province, alors que la culture des vidéoclubs en était à ses balbutiements, il ne fallait pas espérer les voir. Mais les photographies étaient là, insolites, excitantes ; des images de films de la Hammer ; de films de Jess Franco et de Jean Rollin (Requiem pour un vampire fait la couverture) ; des Lèvres rouges de Harry Kumel avec Delphine Seyrig ; des Proies du vampires de Fernando Méndez avec German Robles ; du Masque du démon de Mario Bava avec le visage percé de clous de Barbara Steele ; de Jonathan, Vampire sterben Nicht de Heinz Geissendorfer ; de Messiah of Evil de William Huyck ; de Comte Yorga vampire de Bob Kelljan… Les vampires du cinéma doit être le seul ouvrage de toute l’histoire du cinéma où Rollin est comparé à Stanley Kubrick.
Évidemment, de telles lectures ont leur revers. Savoir à 13 qu’il exista au Mexique, en 1957, un vampire nommé Lavud, permet de développer un dandysme précoce, mais n’aide en rien à l’intégration sociale, lorsque ses petits camarades sont surtout passionnés par l’équipe de foot de Saint-Etienne.

Le livre compte aussi des particularismes typiquement britanniques. Dans Les Vampire du cinéma, de même que dans Fragments of Fear de Andy Boot (Creation Book), un culte irraisonné est voué à Vampyres (1974) de Joe Larraz. Cet auteur espagnol avait tourné en Angleterre l’histoire d’un voyageur égaré, tombant sous le charme de deux lesbiennes vampires. Pirie détaille le film sur trois pages et le compare même aux Mille et une nuits de Pasolini (il n’y a bien sûr pas le moindre rapport entre les deux films).
Ayant vu le film à la Cinémathèque lors d’une rétrospective consacrée aux vampires, le mythe s’est effondré, mais est apparue la raison profonde de l’engouement des cinéphiles anglais. Bien que sans charme et languissant, Vampyres était, pour les amateurs de cinéma bis, ce qui se rapprochait le plus, au même titre que les très mauvaises séries B de Peter Walker, d’un film pornographique (genre banni Outre-manche).
Bien sûr, ce qui importait était moins le film lui-même que la longue description extatique de David Pirie.
Stéphane du Mesnildot



Les vampires du cinéma de David Pirie (ed Oyez, 1978).

2 commentaires:

  1. Voila un collector, dont je n'ai malheureusement jamais entendu parler !
    A 13 ans...difficile de briller à 13 ans même quand on est déjà un spécialiste de la question des vampires, et j'en sais moi même quelque chose, qu'on ai lu Carmilla, Dracula, le Vampyre, vu tous les Dracula hammeriens, qu'on se soit enfilé, bouleversé toute la série Dark Shadows, ou qu'on connaisse déjà Franco pour son Vampyros Lesbos et même sa Comtesse Noire, on ne peut désespérément faire partager cet engouement pour l'érotisme teinté de rouge de l'univers du vampire...
    Pour ce qui est du Bal des vampires, en lisant ce que tu retranscrit, je serai bien de l'avis de Pirie, même si le film n'ets pas réellement ennuyeux il est par trop surestimé, alors qu'il n'est au fond qu'une trop sage parodie.
    Je suis content de trouver enfin une évocation des Lèvres Rouges avec Delphine Seyrig, une oeuvre curieuse, lente, qui peut évoquer bien sûr le cinéma de Rollin, mais qui reste assez unique en son genre...

    Merci pour cette nouvelle publication Stéphane !

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  2. Très beau texte : je vois que nous avons été marqué par le cinéma fantastique de la même manière au moment de l'adolescence. Pour ma part, ce sont les photos de "Mad movies" qui nourrirent mes premiers fantasmes et je garde encore en mémoire les frissons que me procurèrent les découvertes de Barbara Crampton nue dans "Ré-animator" ou "Pulsions" de De Palma.
    Mais pour le coup, on s'éloigne du vampirisme...

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